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FRANC CFA, DÉCHIRER LE VOILE ?

Rédigé par leral.net le Mardi 22 Juillet 2025 à 01:34 | | 0 commentaire(s)|

Le 17 juillet 2025 marque un tournant dans la longue relation (400 ans) entre la France et le Sénégal. Ce jour-là, l’ancienne puissance coloniale a officiellement restitué ses deux dernières installations militaires, notamment la base aérienne de Ouakam..

Le 17 juillet 2025 marque un tournant dans la longue relation (400 ans) entre la France et le Sénégal. Ce jour-là, l’ancienne puissance coloniale a officiellement restitué ses deux dernières installations militaires, notamment la base aérienne (Ba 160) de Ouakam, où étaient logés les derniers Éléments français au Sénégal (Efs). Lors d’un cérémonial militaire ponctué d’une levée de couleurs sénégalaises, le général de division Pascal Ianni, à la tête du commandement français en Afrique, a remis symboliquement les clés du camp Geille au chef d’état-major général des Armées sénégalaises, le général de corps d’armée Mbaye Cissé.

Cet épisode est l’acte final d’un long processus qui s’est accéléré ces derniers mois à la demande des nouvelles autorités sénégalaises, marquant ainsi la fin de 200 ans de présence militaire permanente française au Sénégal. Sur les images diffusées par la télévision sénégalaise, on voit l’officier français, le regard perdu dans le lointain, comme s’il contemplait le poids de l’histoire et la gloire passée de la France. Il avait le regard et les lèvres fermées, l’air grave, presque penaud. À l’opposée, le chef de l’armée sénégalaise, dont la grande taille est amplifiée par la contre-plongée de la caméra, semble porté par la gravité du moment.

Ce n’est là qu’une impression, peut-être trompeuse, probablement influencée par l’effet d’optique amplifié par le symbolisme du moment. La seule certitude, c’est qu’on assiste à un moment historique. Comme ces archives audiovisuelles en noir et blanc prêtées par l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) à nos télévisions nationales à l’occasion de chaque fête de l’indépendance. Mais dans notre longue relation avec la France, l’histoire nous enseigne à ne pas nous arrêter aux symboles, l’essentiel se trouve peut-être ailleurs. Après avoir accordé l’indépendance (symbolique) en 1960 à ses anciennes colonies d’Afrique, la France a maintenu en place l’essentiel de ses leviers de dominations par une présence militaire donc, mais aussi sur le plan économique et monétaire. Ainsi, ce qui devait être un tournant n’a été finalement que le prolongement (néocolonialisme) de la domination française sous une autre forme, plus insidieuse, parce plus discrète, avec bien sûr la complicité des dirigeants africains. Toutefois, le symbole est important.

Chaque parcelle de liberté acquise doit être célébrée et préservée jalousement. Après le départ des derniers Éléments français d’Afrique de l’Ouest, le franc Cfa reste le dernier dispositif de ce que Jacques Foccart a nommé la Françafrique. Là également, le changement a été amorcé depuis plusieurs années, notamment avec la réforme de 2019 ayant entrainé la fermeture du compte d’opérations et le retrait des représentants français des instances décisionnaires de la Bceao. Mais les critiques se sont multipliées ces dernières années, réclamant une véritable souveraineté monétaire. Ce mouvement porté par des militants panafricains, des économistes, mais aussi par des dirigeants africains souverainistes rend le statu quo actuel intenable. L’économiste français Jean-Baptiste Say (1767-1832) disait que « la monnaie n’est qu’un voile ».

Alors faudrait-il déchirer ce « voile » que constitue le franc Cfa ? C’est à ce dilemme que sont confrontés aujourd’hui les dirigeants ouest-africains. Dans son important ouvrage qui vient de paraître, « Le choix de la souveraineté monétaire du Sénégal. Quelles implications » (L’Harmattan Sénégal, 2025, 337 p.), l’économiste sénégalais Serigne Momar Seck analyse les différents scénarios qui s’offrent à notre pays : une réforme monétaire au sein de l’Uemoa ou de la Cedeao (la création de l’eco) ou une sortie du Sénégal de la Zone franc en battant sa propre monnaie. Chaque option comporte des avantages, mais aussi d’énormes risques (en particulier la dernière). Aux dirigeants sénégalais et ouest-africains de façon générale d’être à la hauteur de ce moment historique et de faire les bons choix pour éviter un énième virage raté dans notre longue histoire avec la France. L’enjeu, c’est de profiter de ce tournant pour rebâtir un « partenariat rénové », mutuellement bénéfique et surtout porteur de progrès pour les populations africaines.

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Alioune


Source : https://www.seneplus.com/opinions/franc-cfa-dechir...